Rue Lhomond

            

              Instrumentum laboris

Entre ces deux numéros s'étend la façade et les accès directs au beau jardin complanté d'arbres du "Centre Culturel Irlandais" qui occupe les lieux depuis 2002, héritier du "Collège des Irlandais", et dont le but est de présenter et promouvoir en France la culture irlandaise. Il accueille des artistes en résidence et des étudiants. L'entrée principale se situe 5 rue des Irlandais, autrefois rue du Cheval-Vert.

Les bâtiments ont été acquis en 1769 par Laurence Kelly, préfet du collège des Lombards de la rue Saint-Hilaire (aujourd'hui rue des Carmes) là où se réunissaient alors prêtres et séminaristes Irlandais. Rénovés et agrandis sur les plans de l'architecte François-Joseph Belanger, de cette époque date, notamment, l'aile sur la rue Lhomond qui abrite la chapelle Saint-Patrick en rez-de-chaussée, avec, au-dessus, la bibliothèque, les lieux furent prêts à accueillir la communauté en 1775. Puis la Révolution survint avec son lot de malheurs, il fallut attendre 1805 et Napoléon pour que tout rentre à peu près dans l'ordre.

La chapelle fut prêtée en 1873 à un groupe de travailleurs, le "Cercle catholique des ouvriers", créé par le Comte Albert de Mun, et, dans le courant des années 30, ce sont les catholiques de rite Syrien qui l'utilisèrent un temps.

Pendant une large partie des XIXe et XXe siècles, l'activité principale fut celle de séminaire pour étudiants irlandais. Puis, le séminaire Polonais occupa les lieux de 1945 à 1997, ce qui lui valut de recevoir en plusieurs occasions Karol Wojtyla, avant qu'il ne devienne souverain pontife sous le nom de Jean-Paul II.

Actuellement, du 12 au 16, ce sont les locaux de l'"Institut Curie" suivis du laboratoire de physique de l'"Ecole Normale Supérieure" aux numéros 18 à 24. Au 18, pendant la Première Guerre mondiale, il y avait l'entrée de l'"Hôpital du Panthéon". Antérieurement, et jusqu'en 1913 ce sont les locaux de l'Ecole Sainte-Geneviève qui occupaient pratiquement toute la suite de couvents et d'hôtels de la rue Lhomond, entre le 8 et le 26.

12-16 : A cet emplacement s'élève le bâtiment construit en 1936 sur les plans de l'architecte Robert Danis (1879-1949, Directeur de l'architecture 1945-48) du "Laboratoire Constant Burg", centre de recherche entièrement dédié à la cancérologie faisant partie de l'"Institut Curie". Constant Burg était un médecin et radiologue, mort en 1998, ancien Directeur général de l'INSERM et Président de l'Institut Curie. L'architecture est typique des années 30 et, sans être d'une beauté folle, ce bâtiment est bien moins critiquable que ceux qui le suivent immédiatement après.

Au numéro 12, les bâtiments précédents, alors annexe de collège Rollin, ont abrité pendant un temps, de septembre 1879 et avril 1885 le "Musée pédagogique de l'Etat" avant qu'il ne déménage à l'angle de la rue Gay-Lussac

et de la rue Louis Thuillier dans des locaux de l'ex-couvent des Ursulines où il restera jusqu'en 1932 avant d'être transféré au 29 rue d'Ulm et de prendre le nom de "Centre national de documentation pédagogique" tout en conservant le titre et la fonction de "Musée pédagogique". C'est Jules Ferry qui obtint le 13 mai 1879 un décret signé du Président Grévy dont la disposition essentielle se lit : "Il est créé au ministère de l'instruction publique un Musée pédagogique et une Bibliothèque centrale de l'instruction primaire, comprenant des collections diverses de matériel scolaire, des documents historiques et statistiques et des livres de classe provenant de la France et de l'étranger".

Jusqu'en 1913, cette partie de la rue était occupée par l'Ecole Sainte-Geneviève et, préalablement à la construction de ses locaux, s'élevait ici, l'"Hôtel de Juigné". Il s'agissait de la résidence privée de Monseigneur Antoine Eléonor Léon Le Clerc de Juigné (1728-1811), ancien élève du Collège de Navarre et du séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet, appelé par Louis XVI à devenir Archevêque de Paris en 1781.

Elu député du clergé aux Etats généraux en 1789, il dut faire face à une hostilité populaire croissante ce qui le conduisit à quitter Paris en octobre pour se réfugier d'abord à Chambéry, puis émigrer à Constance et à Augsbourg, exil dont il ne rentra que dans le courant de l'année 1803, non sans avoir abandonné son siège épiscopal en 1802.

La famille de Juigné, d'ancienne noblesse d'Anjou, dont la devise est "Ad alta" et le cri de guerre "Battons et abattons", fut également propriétaire à Paris pendant un temps d'un autre Hôtel particulier qui accédera à partir de 1985 à une notoriété mondiale. Il s'agit de l'"Hôtel Salé" dans le Marais, plus connu sous l'appellation de "Musée Picasso". Le frère de l'Archevêque, Louis, et sa femme Charlotte Thiroux de Chamonville héritèrent en effet de l'Hôtel Salé en 1771 et le conservèrent jusqu'à ce qu'il soit saisi à la Révolution comme bien d'émigrés.

A la Révolution, l'Abbé d'origine Irlandaise Edgeworth de Firmont, prêtre réfractaire (insermenté) résidait dans une des maisons de cette partie de la rue, lorsque Louis XVI, alors à la prison du Temple, envoya Malesherbes lui demander de l'assister dans ses derniers moments. L'Abbé fut donc le dernier confesseur de Louis XVI et l'accompagnant à l'échafaud lui aurait adressé ces paroles, sans doute apocryphes : "Fils de Saint-Louis, montez au ciel !"                        

Abbé Edgeworth de Firmont

Monseigneur Le Clerc de Juigné

18 Emile Chautemps, sénateur, fils de sénateur, député de la Seine, ministre des Colonies et de la Marine, médecin de formation oeuvra à doter la capitale d'une organisation sanitaire efficace. En 1914, à 64 ans, au début de la guerre, il reprend du service comme médecin et créée l'Hôpital du Panthéon dans une partie des locaux abandonnés par les jésuites de l'Ecole Sainte Geneviève, puis occupé ensuite par l’annexe de l’Ecole Polytechnique, c'est là qu'il mourra le 10 décembre 1918. L’hôpital ferma ses portes le 1er janvier 2019 après avoir reçu 10 123 blessés.

Après la guerre, entre 1927 et 1937,  l'hôpital, après avoir de nouveau servi un temps d’annexe de Polytechnique, fut désaffecté et démoli pour être remplacé par les (affreux) bâtiments des ateliers de physique-chimie de l'Ecole Normale Supérieure


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De fait, pour un amateur, il est assez difficile de connaître avec certitude l'historique exact des bâtiments entre ces numéros, et je cherche toujours !

Du 11 au 17

Du 12 au 20

Au croisement de la rue Lhomond et de la rue d'Ulm, le peintre Yves Brayer réalisa ce tableau en 1929 intitulé "Prêtres Irlandais" (huile sur toile) appartenant aux collections du musée Carnavalet. De nos jours, 2020, la rue à beaucoup changé, mais le "Collège des Irlandais" est toujours là.

Durant la première moitié du XIXe siècle, alors qu’il donnait des cours d’histoire moderne au collège Sainte-Barbe-Lanneau de la rue Cujas, puis au Collège de France où il obtint la chaire d’histoire et de morale en 1838, l’historien Jules Michelet vécut dans l'hôtel de Juigné avec sa première femme (qui y décéda en 1839).  

Dans sa "Correspondance générale" (Librairie Honoré Champion 1994-1995) parmi les textes réunis par Louis Le Guillou figurent des lettres "où s’étale une chronique détaillée de la vie familiale rue des Postes".

En 1913, les effectifs de l’Ecole Polytechnique augmentant, le site de la rue Descartes n’était plus suffisant pour accueillir l’ensemble des élèves. Il fallut chercher des locaux supplémentaires et les locaux de l’Ecole Sainte Geneviève qui venait de fermer ses portes rue Lhomond furent retenus, ils pouvaient offrir 300 places de casernement s’ajoutant aux 424 du site Descartes.

Avec le début des hostilités, dès le mois de mars 1914 le site Lhomond fut converti en hôpital complémentaire du Panthéon jusqu’à la fin de la guerre où les locaux furent de nouveau disponibles à partir de la rentrée 1919 après des travaux d’aménagements.